Jusqu’à récemment, ma vie n’avait été qu’une longue bataille. Le cancer m’avait volé mes forces, mon énergie, mes cheveux et parfois même mon espoir. Les mois passés dans les couloirs d’hôpital m’avaient marquée à jamais. Chaque séance de chimiothérapie était une épreuve : la nausée, la fatigue écrasante, le miroir qui me renvoyait un visage que je ne reconnaissais plus. Pourtant, un jour, mon médecin m’annonça enfin les mots que j’attendais depuis si longtemps : « Vous êtes guérie ». Ces trois mots résonnèrent comme une promesse de renaissance.
Ce même soir, alors que je pleurais de soulagement, mon compagnon s’agenouilla devant moi, un sourire timide aux lèvres, et me demanda en mariage. Mes larmes redoublèrent, mais cette fois c’était des larmes de joie. Bien sûr, j’ai dit « oui » sans la moindre hésitation. Ce fut le début d’une nouvelle étape, d’un chapitre que j’espérais lumineux après tant d’ombre.
Les semaines suivantes furent rythmées par les préparatifs. Choisir ma robe de mariée, organiser les invitations, penser à chaque détail de la cérémonie… Tout cela m’apportait une joie simple mais précieuse. Pourtant, derrière mon enthousiasme se cachait une inquiétude constante. Chaque matin, je me regardais dans le miroir en espérant voir quelques mèches repousser, un signe que je redevenais « normale ». Mais mon crâne lisse me rappelait la réalité. Je décidai alors de porter une perruque élégante, choisie avec soin, pour me sentir confiante et belle le jour J.
Je savais que beaucoup de proches de mon futur mari connaissaient vaguement mes problèmes de santé, mais sans entrer dans les détails. J’espérais qu’ils ne remarqueraient rien, que ce jour resterait uniquement marqué par l’amour et la fête.
Le grand jour arriva enfin. L’église brillait de mille lumières, emplie des murmures émus des invités. Ma robe blanche flottait autour de moi, et à mes côtés, mon futur mari me tenait la main avec tendresse. Tout semblait parfait, presque irréel… jusqu’à ce que je croise le regard dur de ma belle-mère.
Je savais qu’elle n’avait jamais vraiment accepté notre relation. Elle me voyait comme une femme fragile, incapable de donner un avenir solide à son fils. Dans son esprit, je n’étais pas celle qu’il devait épouser. Mais je n’aurais jamais imaginé ce qu’elle allait oser faire.
Sans prévenir, elle s’approcha de moi et, d’un geste brusque, m’arracha la perruque. Tout se passa en une fraction de seconde. Je sentis l’air froid sur ma tête nue, puis son rire sec résonna dans l’église :
— Regardez ! Elle est chauve ! Je vous l’avais dit, et vous ne me croyiez pas !
Un silence choqué tomba, suivi de quelques rires étouffés. Certains invités détournèrent le regard, gênés, d’autres me fixaient sans savoir quoi faire. J’étais figée, les mains tremblantes sur mon crâne découvert. La honte et la douleur m’envahirent d’un seul coup, comme une gifle en plein visage. Les larmes brouillaient ma vue.
Mon mari se précipita pour me prendre dans ses bras. Je sentais sa main trembler dans mon dos, et une peur glaciale me saisit : allait-il lui aussi se sentir humilié, regretter son choix ? Mais alors, sa voix résonna, claire et ferme, coupant court aux murmures.
— Maman, tu vas quitter ce mariage immédiatement.
Un frisson parcourut l’assemblée. Sa mère resta figée, bouche entrouverte, cherchant une réplique. Mais il continua, plus déterminé encore :
— Tu ne respectes ni mon choix ni ma famille. Je suis prêt à tout abandonner pour elle. Et n’oublie pas… toi aussi, un jour, tu étais dans un état grave, et papa t’a aimée malgré tout.
Un silence pesant s’abattit. Les invités, tour à tour choqués ou admiratifs, fixaient la scène. La belle-mère, pâle, détourna le regard, des larmes montant dans ses yeux. Sans un mot de plus, elle quitta la salle.
Alors, mon mari serra ma main plus fort et murmura à mon oreille :
— Maintenant, tout ira bien. Nous sommes ensemble.
À cet instant, je compris que plus rien ne pourrait nous séparer. Malgré l’humiliation, ce jour resterait le symbole de notre force et de notre amour inébranlable.